Les différents types de coûts : choisir le calcul adapté

Il règne une grande confusion dans l’utilisation des indicateurs lors des débats sur l’énergie. La porte est alors grande ouverte aux simplifications abusives et aux manipulations.

Il existe plusieurs façons de calculer les coûts, qui répondent chacune à une question différente

  • Veut-on calculer le coût de production en tenant compte des équipements déjà amortis ?
    • Il faut utiliser le coût comptable complet
  • Veut-on calculer uniquement le coût de l'utilisation à un certain niveau de production ?
    • Il faut utiliser le coût marginal de court terme
  • Veut-on connaître le coût d’une filière énergétique actuelle ?
    • Il faut utiliser le coût total de production, ou coût courant économique. Seul ce type de calcul permet de comparer des énergies entre elles.
  • Veut-on connaître le coût de l'énergie pour les installations à construire ?
    • Il faut utiliser le coût total de production pour les installations futures, qui peut être assez différent du coût pour les installations existantes. En effet, cinquante après la construction d'un moyen de production, la donne aura changé : évolution des techniques, du coût des matières premières ou de la réglementation (règles de sécurité par exemple).

 

Source : Dumont / 23dd.fr

Quel type de coût pour répondre à quelle question ?

Question posée

Type de coût

Fonction

Variantes / remarques

Confusions à éviter

À quel prix moyen dois-je vendre aujourd’hui pour assurer l’équilibre des comptes (ou un bénéfice) sur le long terme ?

Coût comptable complet

Permet de calculer un coût de production moyen compte tenu des équipements payés, et éventuellement des investissements à faire pour assurer la pérennité de la production

Le coût varie selon que l’on prend en compte ou non des coûts futurs de maintenance ou de renouvellement de l’outil de production. Plusieurs variantes selon l’échelle de temps à laquelle on se réfère.

— Ne permet pas de connaître le coût moyen de production
— Ne permet pas de comparer le coût des filières énergétiques
— Dépend de l’historique des amortissements
— Évolue en fonction de la situation dans la durée de vie de l’installation.

Puis-je pratiquer des tarifs spéciaux sur le court terme ?

Combien me coûte à chaque instant un kWh produit dans chaque centrale ? Comment optimiser l’utilisation de mon parc de production  ?

Coût marginal de court terme (ou coût variable)

— Calculer un prix de vente à court terme

— gérer le réseau de ses outils de production.

— Ne pas confondre avec le coût marginal de long terme, qui prend en compte le renouvellement du capital.
— Les chiffres peuvent être très bas le coût du capital n’est pas pris en compte.
— Il dépend du moment et de chaque outil à la minute près puisqu’il dépend des capacités immédiatement disponibles.

— Confusion très courante avec le coût marginal de long terme, qui prend en compte les investissements permettant de modifier le niveau de production
— Parfois ramené par erreur au coût du combustible, alors qu’il faut en réalité prendre en compte l’usure d’utilisation, et donc une part du renouvellement du capital.
— Utiliser ce coût dans une optique de moyen ou de long terme revient à considérer que son outil de production est éternel et de capacité infinie.

Combien coûte le MWh d’une filière énergétique donnée ?

Coût économique complet
ou
Coût moyen de production

— Calculer le coût de production d’une filière : nucléaire, éolien, gaz, charbon… en prenant en compte l’ensemble des coûts directs de la filière.

— Comparer le coût des énergies entre elles

— L’estimation se faisant sur une échelle de temps longue, l’exercice est difficile et l’estimation contient une marge d’incertitude.

— Il faut prendre en compte l’évolution des coûts de production dans le temps

— Ne pas confondre entre parc existant et parc futur, car les prix évoluent dans le temps. Or le temps de programmation est long.
— Il faut tenir compte des possibilités d’intégration au réseau. Chaque énergie apporte ses avantages et ses contraintes. Le nucléaire n’est pas assez souple pour suivre la demande, tandis que certaines ENR varient en fonction de la météo.
— Il également tenir compte des effets indirects : emplois directs et induits, facture énergétique extérieure, effets sur la société et sur l’environnement.

 

Quelques éléments supplémentaires sur les différents types de coût

  1. Le coût marginal de court terme. Il correspond au coût de la dernière unité produite, et permet de connaître le coût à chaque instant et pour chaque outil de production. Il permet d’afficher des coûts très faibles car il ne prend en compte que les coûts variables. Il aide à optimiser la production de son réseau et à établir une politique de tarifs. Si le moyen de production possède une réserve de puissance, il sera très faible et se réduira au coût d’utilisation du capital fixe et au coût du combustible. Il n’inclut dans ce cas ni le coût des installations ni le coût de son renouvellement. Mais si le moyen de production est au maximum de sa capacité, il peut être très élevé… car produire un kWh de plus supposera alors de construire une autre centrale, juste pour produire ce kWh. Voilà pourquoi certains investisseurs privés hésitent à construire des centrales, et pourquoi la Californie s’est retrouvée plusieurs fois en black-out.
    C’est pourquoi il ne peut pas être utilisé pour comparer des énergies ou pour calculer un coût moyen.
  2. Le coût marginal de long terme. Il permet de remédier aux limites de l’indicateur précédent et estime le coût d’une unité supplémentaire, si elle était produite durablement. Il prend donc en compte les investissements en capital fixe nécessaire à la variation de la production et à sa pérennité. Il intègre le capital fixe
  3. Le coût comptable. Il prend en compte les amortissements réalisés, ce qui signifie qu’il déduit du coût la part de l’outil de production qui a déjà été payée. Il existe plusieurs variantes selon qu’on prenne ou non en compte le renouvellement du parc, certaines provisions pour charges futures, ou la rémunération du capital non amorti. Par exemple le coût comptable indiqué dans la synthèse du rapport ne prend pas en compte le renouvellement, par contre le coût comptable complet de production (C3P), utilisé par EDF et cité également dans le rapport, en tient compte.
    D’une manière générale le coût comptable baisse au fur et à mesure que le parc est amorti. Mais il ne permet pas de connaître le coût de la filière énergétique, car le jour où il faudra renouvelle le parc, il faudra à nouveau intégrer l’amortissement, et le coût augmentera substantiellement.
  4. Le coût Champsaur. Il a été mis au point pour calculer un prix de vente dans le cadre de l’obligation légale pour EDF de vendre de l’électricité à ses concurrents. En effet suite à la libéralisation du marché (loi NOME), on a estimé qu’EDF jouissait d’un avantage de compétitivité du fait qu’il possédait un outil amorti. Cela défavorise les nouveaux entrants, et empêche le fonctionnement normal de la concurrence. Il fallait donc obliger EDF à vendre à ses concurrents. À quel? tandis que le coût comptable n’inclut pas les dépenses futures pour entretien et avantagerait ces concurrents, utiliser le coût moyen donnerait un avantage à EDF puisqu’une partie des installations a déjà été amortie. Par ailleurs la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) estime que conformément à la loi NOME, le coût de renouvellement ne doit pas être intégré. Il fallait donc trouver un équilibre. Le coût Champsaur calcule un coût sur le moyen terme en intégrant un certain nombre d’investissements de maintenance
  5. Le coût courant économique (coût global de production) pour le parc existant. Il additionne tous les coûts passés, présents et futurs, payable par le producteur. Il permet donc de connaître le coût total de l’énergie fournie par le parc actuel pour une filière donnée. Il correspond à l’effort qu’il faudrait consentir pour reconstruire le parc à l’identique ou, comme le dit la CRE, au prix auquel un fournisseur pourrait louer le parc plutôt que le construire à l’identique. Il permet de comparer le coût des énergies déjà installées mais ne doit pas, suivant ce qui se pratique au niveau international, être utilisé pour comparer plusieurs énergies. En effet la comparaison est utile pour préparer des installations à construire, et pour cela il convient, ainsi que le stipule la CdC, de comparer le coût des installations nouvelles.
  6. Le coût courant économique (coût global de production) pour le parc futur. C’est l’indicateur à utiliser pour comparer le coût des différentes énergies dans le cadre d’une réflexion concernant des installations nouvelles. En effet on ne reconstruit jamais un parc à l’identique dans les mêmes conditions économiques, et il peut y avoir un écart de quarante ans entre la fabrication et son renouvellement. Entre temps, le coût peut varier considérablement. Il faut donc prendre en compte le coût pour une installation qui sera construite demain, dans dix ans, ou davantage. Du fait du décalage important entre la décision et la mise en service, il convient de projeter les coûts sur l’avenir même si la décision est à prendre aujourd’hui. C’est un exercice de prospective indispensable pour préparer les choix énergétiques pour le futur.

À Retenir :

  • Pour calculer un prix de vente dans des conditions particulières (quantité, moment, type de contrat…), on peut utiliser diverses formes de coût comptable et de coût variable. Ces coûts prennent plus ou moins en compte les frais fixes et les frais de renouvellement. Ils permettent de concevoir une stratégie commerciale et une optimisation du parc. La méthode Champsaur est une variante qui permet de fixer un prix de vente réglementaire concernant les obligations de vente d’EDF.
  • Pour comparer plusieurs sources d’énergie il convient de prendre en compte la totalité des coûts sur la toute la durée de vie. Selon les cas, il faut utiliser :
  • Le Coût Courant Economique du parc existant pour comparer les filières installées.
  • Le Coût Courant Economique des installations futures pour comparer les installations nouvelles, et dans le cadre d’une réflexion sur le renouvellement du parc.
  • Il convient de prendre également en compte les effets externes ainsi que l’intégration au réseau. Les premiers permettent d’estimer les conséquences de la filière sur la société et l’environnement. C’est ce qu’on appelle les externalités. Le second se traduit par un coût pour les énergies renouvelables comme pour les énergies conventionnelles. Il correspond essentiellement aux infrastructures de transports ainsi qu’aux moyens de soutien permettant d’assurer l’équilibre offre/demande à chaque instant.

Comparer les coûts des différentes énergies

Contre-exemple : faire comme si le parc nucléaire était éternel et de capacité infinie…

Nous devrions maintenant être capables de prendre un peu de recul par rapport aux arguments concernant les coûts. L'exemple le plus typique de mauvaise foi ou d'ignorance consiste à comparer le coût de rachat de l'éolien avec le coût marginal de court terme (coût variable) du nucléaire déjà partiellement amorti. La différence est alors assez ébouriffante. Mais totalement fantaisiste.

Cela revient à considérer que le nucléaire ne coûte que l'utilisation du combustible, puisque l'installation serait totalement amortie, que sa durée de vie serait éternelle, et que même en cas d'augmentation de la production, il ne serait pas nécessaire d'installer d'autres centrales puisque sa capacité de production est infinie. Assurément nous tenons là l'énergie parfaite. Dans nos rêves.

Comme si cela ne suffisait pas, certains vont même jusqu'à comparer le coût variable du nucléaire, très faible par structure, avec le  prix de rachat, plus élevé que le coût, non pas de l'éolien terrestre, mais de l'éolien maritime. Si cela permet d'afficher une belle différence d'un à dix, celle-ci n'a d'autres significations ... que la mauvaise foi ou l'ignorance du locuteur.

Intégrer le coût d'intégration au réseau... pour toutes les énergies

Pour l'énergie électrique il faut également tenir compte du coût d'intégration au réseau. L'énergie électrique ne se stocke pas à un coût économique raisonnable et le réseau doit donc fournir chaque minute la quantité d'électricité qui est demandée.

Certaines sources d'énergie sont très souples et peuvent répondre très vite à la demande : c'est le gaz pour les turbines à combustion ou l'hydroélectricité. Cette dernière peut même stocker indirectement l'électricité produite en trop (STEP), mais les capacités sont limitées. Les centrales à gaz (CCG) sont moyennement souples. Les centrales à fioul sont souples mais la production coute cher : on n'utilise les anciennes centrales qu'en cas de pointe.

D'autres centrales sont peu souples mais le prix de revient et la capacité sont considérés comme intéressant : centrales à charbon ou centrales nucléaires. Elles sont utilisées en base, mais ne peuvent couvrir toute la demande, car l'offre serait en excédant en dehors des heures de pointe. Elles ont donc besoin d'être couvertes par des moyens d'équilibrages, qui ont pour fonction d'équilibre l'offre et la demande et de pallier les pannes. D'autres ressources doivent être mises de côté pour compenser les centrales en maintenance.

Viennent ensuite les énergies de flux : leur production varie non pas en fonction de la demande, mais en fonction des conditions météorologiques : éolien, photovoltaïque, énergies marines. Ces sources ont besoin comme le nucléaire ou le charbon de réserves d'équilibrage, mais  pour des raisons assez différentes. Toutefois, leur fluctuation est compensée par plusieurs atouts : leur production est variable mais prévisible 48  heures à l'avance, ce qui permet aux gestionnaires de réseau d'optimiser les moyens de production. Elle est disséminée géographiquement, ce qui permet de lisser la production. Enfin sa production est décentralisée ce qui permet d'éviter le risque de panne massive subite, bête noire des ingénieurs réseau.

Ainsi du fait même de sa structure le réseau électrique comporte déjà de réserves d'équilibrage permettant d'accueillir  jusqu'à 20% d'énergies de flux sans avoir besoin de moyen d'équilibrage supplémentaire. Ce qui signifie que la légende voulant que l'éolien nécessite l'utilisation de centrales à charbons les jours sans vent est fausse.

En terme économique, cela signifie que les énergies de flux comme l'éolien ou le photovoltaïque, au moins jusqu'à 20% du réseau, s'intègrent sans surcoût notable par rapport aux autres énergies.

En conclusion, pour réfléchir aux choix que nous sommes amenés à faire lors des débats sur l'énergie, il convient de comparer les coûts moyens de production des différentes énergies pour les installations futures.

 

Voir aussi :

Sources :