{jcomments on}Définition
Nous appelons temps de retour carbone le temps nécessaire pour qu'une installation photovoltaïque, par la substitution de l'électricité produite à l'électricité locale, permette d'éviter les émissions de GES qui ont été nécessaires à sa fabrication, à son installation, à sa maintenance et à sa fin de vie. Est-il intéressant ? Cela dépend beaucoup du lieu d'implantation, des lieux de fabrication, des process utilisés ... et du mode de calcul. Explication.
1ère méthode : en partant de l'énergie grise
D’après le rapport de l’Hespul, la demande en énergie finale pour un kWc installé (fabrication) est de 2500 kWh. On considérera que toute l’énergie dépensée est de l’électricité. Il s’agit d’une approximation grossière mais elle permet de calculer un ordre de grandeur. En effet le raffinage et la cristallisation occasionnent une très grande consommation d’énergie et se font à l’aide de fours à arc qui fonctionnent à l’électricité. Les ACV montrent qu’une très grande partie de l’énergie utilisée pour toute le cycle de fabrication est l’électricité.
Energie grise |
facteur émission électricité consommé |
g eq CO2 / kWc |
|
UE27, électricité |
2500 |
306 |
765000 |
Monde |
2500 |
506 |
1265000 |
Chine |
2500 |
788 |
1970000 |
On considère maintenant qu’un 1 kWc permet en France de produire 1000 kWh par an. On peut ainsi calculer les émissions évitées selon le pays de fabrication et le pays d’installation
Fabrication / Installation |
Production pour 1 kWc |
Emission kWh électr. local (cons.) |
Emissions évités / kWc /an (g eq CO2) |
Emissions initiales pour 1kWc (g eq CO2) |
Emissions évités par an par kWc (g eq CO2) |
Temps de retour carbone en années (estimation) |
|
Monde / France |
1000 |
85 |
85000 |
1265000 |
85000 |
15 |
|
Europe / France |
1000 |
85 |
85000 |
765000 |
85000 |
9 |
|
France/ France |
1000 |
85 |
85000 |
|
85000 |
2,5 |
|
Chine / France |
1000 |
85 |
85000 |
1970000 |
85000 |
23 |
|
Europe / Europe |
1000 |
360 |
360000 |
765000 |
360000 |
3 |
2ème méthode : en déduisant les émissions initiales à partir du facteur d’émission
Par exemple le guide de facteur d’émission de l’Ademe fournit le chiffre de 55 g eq CO2 par kWh photovoltaïque en France (+/- 30 %). Ce chiffre repose sur l’étude d’Alsema et al, 2005. L’ensemble des études se fonde sur une durée de vie de 30 ans. Comme il n’y a pas d’émissions pendant l’utilisation, les émissions totales correspondent aux émissions initiales utilisées pour la fabrication (les autres phases sont négligées). Donc une unité produisant 1kWh/an a dû nécessiter 55 x 30 = 1650 g eq CO2 pour sa fabrication. Comme elle permet d’éviter 85 g par an en France, le temps de retour carbone sera de 19 ans, et de 5 ans si le panneau est installé en Europe.
Cependant le facteur d’émission du photovoltaïque varie d’un facteur d’un à deux selon les sources utilisées : le guide des facteurs d’émission de l’Ademe, le chiffre de Jancovici cité par l’Ademe, le chiffre moyen pour la France donné en conclusion du rapport de l’Hespul. On ne doit pas s’en étonner, car il s’agit d’ordre de grandeur, et le mode de fabrication des panneaux évolue relativement vite. Ces chiffres varient selon le mode de fabrication et l’origine du panneau et l’ensoleillement du lieu d’implantation.
Lieu fabrication / lieu installation |
Emission kWh photovoltaïque (g eq CO2 ) |
Par déduction, émissions initiales par kWh/an installé (g eq CO2) |
Emission électricité moyenne locale (g eq CO2 / kWh) |
Temps de retour carbone en années |
Monde / France |
55 (g. f. e. Ademe) |
1650 |
85 |
19 |
Monde / France |
70 (Hespul) |
2100 |
85 |
25 |
Monde / France |
100 (Jancovici) |
3000 |
85 |
35 |
Monde / Europe |
55 à 100 (min-max) |
1650 à 3000 |
360 |
5 à 8 |
Monde / Sud Europe |
35 (Hespul) |
1050 |
480 |
2 |
Elkem-Norvège / Sud Europe |
23 (Hespul) |
690 |
480 |
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3ème méthode : en prenant en compte la manière dont l'électricité photovoltaïque est intégrée au réseau
Mais les deux méthodes précédantes considèrent que l'électricité à laquelle se substitue le photovoltaïque est celle qui est consommée en moyenne. Or l'intensité en carbone de l'électricité produite varie beaucoup selon les sources et selon le type de source que le photovoltaïque va remplacer [sur la demande voir les paragraphe 4.1 et suivants de l'article sur la pertinence du photovoltaïque]. En prenant une valeur moyenne pour l'intensité carbone substituée, on fait semble-t-il une erreur qui va affecter énormément le résultat. En effet une note du MEDAD et de l'Ademe, datée du 15 février 2008 [Note Ademe], considère que l'énergie des éoliennes ne se substitue pas à l'énergie de base, faiblement émettrice en France car elle est assurée par le nucléaire, mais aux énergies de semi-base et de pointe. Selon l'Ademe l'éolien se substituerait ainsi à une production émettant 300 gCO2e/kWh, ce qui est 3,5 plus élevé que le facteur d'émission de l'énergie moyenne consommée en France. Or il est possible de faire le même raisonnement pour le photovoltaïque. D'autant qu'il ne produit que la journée, pendant que les centrales de semi-base se mettent en marche. Le rapport Coe-Rexecode de 2009 valide ce raisonnement [Rapport Coe-Rexecode]. Comme les calculs des méthodes 1 et 2 se fondent, pour la France, sur le chiffre de 85 g CO2e/kWh pour l'électricité substituée, il faudrait diviser tous les résultats par 3,5. Ce n'est pas rien !
Cela permet de dire, contrairement à ce que l'on entend souvent, que le bilan carbone du photovoltaïque est excellent. Ce raisonnement vaut jusqu'à un taux d'intégration du photovoltaïque dans le réseau d'une vingtaine de pourcents. Nous en sommes très loin !
Nous reviendrons prochainement plus en détail sur le fonctionnement du marché de l'électricité, sur l'intégration au réseau des énergies intermittentes et ses conséquences sur la sécurité d'approvisionnement, les coûts et les émissions de GES.
Sources utilisées pour le calcul :