« Regardez les courbes de température depuis 1998 ! Les températures baissent, en tout cas la hausse est stoppée depuis 12 ans...»

 

Réponse : En effet si vous regardez un graphique qui débute précisément en 1998, vous n'aurez pas l'impression que les températures augmentent. Mais si vous regardez un graphique qui démarre à toute autre date, la hausse apparait nettement (figure 1).

 

temp mens depuis 1990 11092013Figure 1 : On voit nettement apparaître une hausse des températures dès lors que l’on adopte une vision plus large que celle commençant en 1998. Si l’on commence en 1850, en 1975, ou à toute autre date, la hausse est nette. La hausse apparait également si l’on démarre après 1998. Même en démarrant en 1998, les moyennes sur les dix dernières années font apparaître une hausse.

 

La stratégie du Cherry Picking

L'année 1998 a été exceptionnellement chaude du fait d'un phénomène El Nino très fort et de la fin de l'influence de l'éruption du Pinatubo. Ceci dit les années 2010 et 2005 ont égalé ou dépassés 1998 en moyenne annuelle. Depuis cette date la diminution cyclique du rayonnement solaire a ralenti la hausse globale (figure 2).

Il s'agit d'un argument spécieux qui consiste à n'utiliser que le seul point de référence qui donne le résultat souhaité, parmi des centaines d'autres qui donnent des résultats  inverses : cela revient à choisir la meilleure cerise et à laisser le reste, comme disent les Anglais (« cherry-picking »). Les scientifiques savent très bien que la plupart des séries de données sont sujettes à des oscillations de court terme qui masquent la tendance, qu'on appelle le « bruit ». Il faut donc beaucoup de précautions pour en tirer une tendance. Ne prendre en compte que le seul point de départ qui conforte sa thèse révèle une bonne dose de mauvaise foi. Et quand cet argument provient d'un scientifique, on peut appeler cela un mensonge.

Quand on regarde les courbes, on voit bien que la tendance globale montre que le réchauffement continue. Le ralentissement du réchauffement depuis 1998 s'explique par diverses causes. Aucun climatologue n'a jamais projeté une hausse linéaire et de telles fluctuations pendant une quinzaine d'années sont tout à fait normales.

Un journaliste a essayé dernièrement de faire croire que le Met Office britannique admettait une "pause" dans le réchauffement climatique. En réalité, le Met Office n'a jamais rien dit de tel. Il s'agit d'une pure invention, avec pour prétexte la mise à jour de sa série de données de température, le HadCrut4.1.1. Voir la réponse du Met Office. Avant 2010, les climato-sceptiques parlaient de "baisse des températures depuis 1998". Comme l'année 2010 a égalé 1998, ils se sont mis à parler de « plateau » à l'occasion d'un début d'année 2012 en légère baisse.

 

Ce ralentissement de court terme de la hausse globale est en réalité cohérent avec les modèles climatiques, comme le montrent deux études récentes.

Extraire les influences interannuelles

Les variations annuelles de température sont sujettes à plusieurs influences qui peuvent masquer provisoirement la tendance globale. Il serait donc intéressant de pouvoir faire abstraction de ce "bruit". C'est ce qu'on fait Foster et Rahmstorf en 2011. Si l'on enlève l'influence d'El Nino, des aérosols volcaniques et du cycle solaire, on voit apparaître beaucoup  plus clairement la tendance globale (fig. 2 et 3).

influences-temperature-globaleFigure 2 : Ce graphique fait apparaître les trois plus fortes influences à moyen terme sur le climat : MEI pour l’influence d’El Nino, AOD pour les aérosols, projetés notamment par les volcans, TSI pour le rayonnement solaire. On voit que l’année 1998 est caractérisée par un fort El Nino, pendant que l’activité solaire décroit depuis 2003
(Source : Global temperature evolution 1979-2010, Foster & Rahmstorf, Environmental Research Letters, 2011).

 

Temperatures-corrigees-court-termeFigure 3 : Températures ajustées permettant de corriger les influences de court terme dues aux variations du cycle solaire, de l’ENSO et des éruptions volcaniques. Ont voit nettement apparaître l’augmentation régulière des températures due à l’augmentation des GES et qui continue sans faiblir après 1998
(Source : Global temperature evolution 1979-2010, Foster & Rahmstorf, Environmental Research Letters, 2011).

 

Une autre étude publiée par Kaufmann, Kauppi, Mann et Stock en 2011  montre que la tendance actuelle s'expliquerait par l'augmentation récente depuis 2002, des aérosols d'origine anthropique, à savoir les émissions de composés souffrés, qui pourraient contrebalancer partiellement et provisoirement l'effet des GES. Ces émissions, dues à la pollution atmosphérique industrielle, sont en hausse en Asie du fait de leur croissance économique. Ce sont ces mêmes émissions qui avaient causé la baisse des températures entre 1945 et 1950, puis leur stagnation jusqu'en 1970. Ensuite, la  concentration s'est stabilisée, puis a baissé, et est ensuite légèrement remontée depuis 2002 (fig. 4). Cela aurait pour effet, en diminuant l'effet des émissions de GES, de redonner la priorité aux fluctuations interannuelles naturelles, qui ont joué pour une stabilisation ces dernières années.

Mais ce n'est pas une bonne nouvelle : d'une part parce que cette pollution est mauvaise pour la santé des habitants et provoque des pluies acides,  d'autre part parce que son effet est momentanné (du moins espérons-le).

Effet-des-composés-souffrés-2011Courbe violette : la légère baisse depuis 2002 du forçage radiatif des émissions souffrées est due à une hausse des émissions polluantes industrielles en Asie. Ce qui contrebalance légèrement et provisoirement la hausse des GES, laissant les fluctuations interannuelles s'exprimer (Reconciling anthropogenic climate change with observed temperature 1998–2008, Kauffman, Kauppi, Mann et Stock, University of Texas at Austin, 2011).
Courbe bleue : forçage net anthropique ; Rouge : forçage total ; Orange : soleil ; Noir : températures observées.

 

Maj sept 2013 : au sujet de l'évolution des températures sur la période 1998-2013

Depuis la publication de cet article plusieurs recherches ont été publiées au sujet de l'évolution récente des températures, qui présente un ralentissement de la hausse depuis 1998. En réalité les modèles n'ont jamais prévu une évolution linéaire. C'est pourquoi des "pauses" ou même des "retraits" intradécennaux sont tout à fait cohérents avec le réchauffement global et ne surprennent pas les scientifiques. Cela a toujours été annoncé par les modèles. Ceci dit pour certains scientifiques ce ralentissement témoigne d'un léger écart, un "hiatus", avec les anticipations médianes, tout en restant dans une fourchette de probabilité tout à fait satisfaisante.

Les scientifiques s'intéressent aux raisons de ce hiatus. Cela permettra de mieux comprendre le système climatique bien sûr, sa réponse aux émissions de GES ainsi que sa variabilité naturelle, mais aussi de ne pas prêter le flanc aux critiques prévisibles de la part des climato-sceptiques et de donner plus de poids auprès du grand public aux actions politiques qui s'avéreraient nécessaires. On citera à ce propos deux études récentes :

- Distinctive climate signals in reanalysis of global ocean heat content Magdalena, Geophysical Research Letters, 10 mars 2013, A. Balmaseda, Kevin E. Trenberth, Erland Källén, selon laquelle l'océan profond aurait absorbé de la chaleur plus rapidement que prévu : voir Le Monde, Stéphane Foucart

- Recent global-warming hiatus tied to equatorial Pacific surface cooling, Nature, 28 aout 2013, Yu Kosaka & Shang-Ping Xie : on savait que les cycles Nina/Nino avaient un impact sur le réchauffement selon un cycle de quelques années. Ce cycle pourrait avoir une durée décennale qui expliquerait le plateau 1998-2013. En effet l'intégration des températures relevées dans le pacifique tropical dans les modèles CMIP5 permet de rendre compte des températures de 1970 à 2012 avec un coefficient de corrélation de 0,97, soit un très bon coefficient. De plus, cette simulation permet de retrouver une grande partie des caractéristiques saisonnières et régionales de ces dernières années (refroidissement hivernal en Amérique du Nord, sécheresse prolongée dans le sud des USA). Le plateau 1998-2013 peut alors s'expliquer par un refroidissement décennal de l'est du  Pacifique équatorial (épisode La Nina). De telles pauses font partie de la variabilité naturelle et peuvent se reproduire à l'avenir. Mais il est très probable que le réchauffement multi décennal continue avec l'augmentation de gaz à effet de serre. Remarque  : cette méthode permet une corrélation intra décennale, intra régionale et intra saisonnière plus précise. Mais elle suppose d'intégrer au modèle les données mesurées de cette zone océanique. Autrement dit, après coup. Cela permet donc de vérifier la validité de ces modèles et de mettre en évidence la sensibilité du climat à une zone qui ne représente que 8% de la surface du globe, mais tant qu'on ne pourra pas prévoir les épisodes La Nina / El Nino, il restera difficile de prévoir les évolutions intra décennales. Voir aussi Futura Science, Delphine Bossy.

 

Références :

- Reconciling anthropogenic climate change with observed temperature 1998–2008, Kauffman, Kauppi, Mann et Stock, University of Texas at Austin, 2011

- Global temperature evolution 1979-2010, Foster & Rahmstorf, Environmental Research Letters, 2011

- A warming Pause ?, RealClimate, octobre 2009

- How "Skeptics" view global warming : The Escalator, SkepticalScience

 - Cherrypicking to Deny Continued Ocean and Global Warming, SkepticalScience, mars 2013

- Distinctive climate signals in reanalysis of global ocean heat content Magdalena, Geophysical Research Letters, 10 mars 2013, A. Balmaseda, Kevin E. Trenberth, Erland Källén

- Recent global-warming hiatus tied to equatorial Pacific surface cooling, Nature, 28 aout 2013, Yu Kosaka & Shang-Ping Xie

 

 

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